La monnaie électronique

L'essor des technologies de l'information entraîne la dématérialisation des échanges et l'informatisation croissante des moyens de paiement. La monnaie électronique commence ainsi à s'imposer lentement dans le paysage financier international. Elle a notamment fait son entrée dans quelques villes de l'Europe, et il existe déjà deux directives européennes qui définissent et réglementent cette nouvelle forme de monnaie.
Qu'est-ce que la monnaie électronique?

Selon la Commission européenne, la monnaie électronique se définit comme « toute valeur monétaire représentant une créance qui est stockée sur un support électronique; cette valeur monétaire doit être émise contre la remise de fonds d'un montant dont la valeur n'est pas inférieure à la valeur monétaire émise ». Dans cette définition, on remarque que la monnaie électronique s'apparente à la monnaie papier mais avec un support différent. À l'instar de la monnaie de papier qui transcrit des informations aux termes desquels le papier symbolise un pouvoir d'achat, la monnaie électronique utilise un code digital, qui ne nécessite plus le papier comme support, mais une puce électronique ou un disque dur. La perte de ce support, par destruction ou formatage, entraîne alors la perte du pouvoir d'achat.

Il existe principalement deux types de monnaies électroniques à usage multiple. Premièrement, le porte-monnaie électronique (PME) qui est une carte à puce permettant le règlement des petites sommes non assurées par les cartes bancaires. Le principe consiste à charger un certain montant d'argent dans la puce électronique (via un distributeur ou la machine d'un commerçant) puis de régler les petits achats (pain, journal, parking...) à l'aide de cette carte. Deuxièmement, le porte-monnaie virtuel (PMV), qui utilise comme support des signes monétaires, le disque dur d'un ordinateur. Les expériences en place sont encore mineures et sont souvent libellées dans une unité monétaire n'ayant pas cours légal, mais le PMV, grâce à ses caractéristiques et aux services qu'il offrira, est la forme de monnaie électronique ayant le plus grand potentiel.

Actuellement, c'est le PME qui est l'unique monnaie électronique digne de ce nom. En Suisse, l'expérience Cash du consortium Europay fonctionne selon ce système. De même, trois projets concurrents de PME ont fait l'objet de tests en France: Mondex, expérience menée à Strasbourg dont le principe consiste à marier, sur une même carte à puce, une carte de crédit et un PME; Monéo, qui est un PME mis en œuvre par sept banques françaises regroupées sous le sigle Seme (Société européenne de monnaie électronique) et qui propose trois types de cartes; et enfin Modéus, expérience menée par quatre banques et deux compagnies de transport, la SNCF (compagnie française de chemin de fer) et la RATP (compagnie française de métro), qui a introduit la carte à puce pouvant faire office de titre électronique de transport et de PME. Les phases de tests se sont montrées concluantes et de nombreuses cartes à puce sont déjà en circulation dans plusieurs villes de France.
Les caractéristiques

Par rapport aux autres moyens de paiement couramment utilisés actuellement, comme le chèque ou la carte de crédit, la monnaie électronique présente de nombreux avantages. Tout d'abord, les monnaies électroniques, comme les espèces, ne nécessitent pas l'intervention de tiers dans la finalité du paiement: lorsqu'un PME est débité et que le terminal du commerçant est crédité, le paiement est terminé, il n'y aura intervention de tiers que lorsque la carte sera rechargée ou quand le commerçant convertira ses unités gagnées en monnaie de papier ou scripturale; il en sera de même pour le PMV. Par contre, lorsque l'opération est réalisée par chèque ou par carte de crédit, elle n'est finalisée que lorsque les banques débitent et créditent les comptes des parties concernées.

Par ailleurs, un autre avantage de la monnaie électronique est l'anonymat qu'elle garantit grâce à l'absence d'intermédiaires. Les chèques et les cartes de crédit, par opposition, n'assurent pas cette discrétion.

Une autre caractéristique de la monnaie électronique, notamment sous forme de PMV, est l'absence de frontières: grâce aux réseaux informatiques, la monnaie électronique aura la capacité de circuler librement sans qu'aucun État ne puisse en contrôler les mouvements. Cette particularité représente néanmoins un danger car elle est susceptible de favoriser le blanchiment d'argent. Sa déterritorialité et le fait qu'elle est indétectable lors de transferts sont des avantages pour la criminalité économique; sa vitesse de circulation, la sécurité et l'anonymat qu'elle garantit ne pourraient qu'accroître cette propension.

Malgré ce danger, la monnaie électronique offre à ses utilisateurs plus d'aisance et d'efficacité dans la gestion de leurs paiements. Le PME permet déjà de payer de petites sommes et il fonctionne souvent comme des cartes de crédit. Dans un proche avenir, la puce ou le disque dur pourront également contenir d'autres informations utilisables dans l'échange, par exemple une carte de fidélité. L'un des gains les plus marquants, toutefois encore fortement hypothétique, sera le paiement d'intérêts sur les montants figurant dans les PME. Finalement, la possibilité d'un échange totalement électronique offre des perspectives intéressantes: les cartes de crédit sur Internet ne sont pas toujours pratiques et ne sont pas acceptées partout; de plus, il y a intervention de tiers, ce qui ralentit le processus d'achat en ligne. En ce qui concerne les commerçants, leur comportement est plus passif, notamment en raison du fait que ces derniers supportent souvent le coût de l'équipement nécessaire à ces nouvelles formes de paiement. Leur chiffre d'affaires est fonction des ventes et non des formes de paiement. Le PME étant plutôt destiné aux petites sommes, ces coûts se révèlent d'autant plus élevés. Le PMV offrira sur ce point une meilleure alternative.

Même si les innovations technologiques avancent à grand pas, la monnaie électronique ne pourra s'imposer que très lentement. En effet, il a fallu plusieurs décennies à la monnaie de banques centrales pour s'imposer en une monnaie crédible et il en sera de même pour toute autre alternative. Mais la mise en place des PMV, quoique encore incertaine, représentera un formidable outil pour gérer les paiements et les achats, notamment en ligne. Les utilisateurs, banques centrales et législateurs doivent absolument se tenir prêts et suivre l'évolution des modes de paiement, et toute innovation devra passer nécessairement par un arsenal régulateur et une coopération internationale.

Indragandhi Balassoupramaniane, avocate

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